Sahel Education

Formation à distance dans les centres de réfugiés pour une réinsertion scolaire des jeunes dans la région de Diffa

 A l’instar des pays sahéliens, le Niger est régulièrement éprouvé par 
des crises sécuritaires qui affectent le fonctionnement de ses services 
sociaux de base dont l’éducation. Si certaines de ces crises sont nées 
hors de ses frontières (Mali, Libye et Nigéria), leurs effets affectent
directement la vie socioéconomique du pays, et plus particulièrement
la bonne marche de son système éducatif. Les attaques et les
menaces régulières contre les écoles engendrent le déplacement
des enseignants et des apprenants. Dans les zones d’insécurité, les
établissements scolaires sont souvent fermés. Au 12 Avril 2022, 800
écoles ont été fermées à travers le pays, dont 32 du niveau secondaire,
touchant ainsi 69.443 enfants dont 33.546 filles (Cluster éducation,
Avril 2022).
Face à cette situation, plusieurs actions ont été entreprises par l’Etat
et ses partenaires pour venir en aide aux populations dans les zones
affectées notamment dans la région de Diffa. Parmi ces actions figure
l’installation des centres de formation à distance (FAD) à Mainé,
Kablewa, Bosso et Gangam afin de garantir l’accès à l’éducation pour
les plus jeunes, notamment les filles.
Ce document répond de manière succincte aux questions suivantes :
Quel a été le résultat de la mise en œuvre de cette pratique ? Quels
sont ses avantages ? Quels ont été ses facteurs de réussite et ses
limites ?

APPROCHE MÉTHODOLOGIQUE
Cette pratique est identifiée et documentée à travers deux approches (i) une série de visites au niveau des structures étatiques et des entretiens avec plusieurs responsables en charge de l’éducation et (ii) une revue documentaire.
Les structures visitées sont la Cellule d’Analyse des Politiques et d’Evaluation de l’action Gouvernementale (CAPEG), de la Cellule d’Appui à la Mise en œuvre et au Suivi du Programme Sectoriel de l’Education et de la Formation (CAMOS-PSEF), le Secrétariat Général du Ministère de l’Education National et l’Institut National
de Documentation, de Recherche et d’Animation Pédagogiques (INDRAP).

Les échanges avec les responsables de ces structures ont permis d’identifier des pratiques réussies en matière d’éducation en situation d’urgence au Niger. Puis une recherche documentaire a permis de mieux comprendre le déploiement de la stratégie FAD, ses facteurs de succès ainsi que ses limites.

MISE EN ŒUVRE DE LA STRATÉGIE
Le Projet de formation à distance pour les réfugiés dans la région de Diffa a été mis en œuvre de 2015 à 2017. Il a permis à environs 300 enfants réfugiés de poursuivre leurs études par le biais d’un système d’enseignement à distance.
Implantés à Diffa, Mainé, Kabalewa, Bosso et Gangam, les centres FAD ont permis aux jeunes réfugiés de poursuivre leur scolarité malgré une situation précaire. Ils accueillent des réfugiés de différentes nationalités, avec une rédominance des réfugiés nigérians meurtris par les attaques de Boko-Haram. Plusieurs acteurs étatiques et non étatiques du Niger et Nigéria y avaient contribué. La mise en place de ces centres est articulée autour de 6 principales étapes suivantes.

Figure 1. Une mise en œuvre articulées en 6 étapes

 ACTEURS IMPLIQUÉS ET LEURS RÔLES
La mise en œuvre de la Formation à distance dans les camps des réfugiés à diffa a mobilisé plusieurs acteurs. Chaque acteur intervient avec un rôle spécifique.
Structures étatiques
L’installation des centres d’accueil est assurée par l’Etat du Niger à travers le Ministère de l’Education National. La mobilisation des ressources pour la construction des centres et leur fonctionnement relève aussi de son appui. Il mobilise les animateurs et assure leur prise en charge. L’approvisionnement des centres en électricité et en eau ainsi que les dotations alimentaires étaient assurés par ledit ministère.
Sur le plan administratif, ces centres sont rattachés aux services décentralisés de l’éducation des communes au sien desquelles ils sont installés.
Acteurs non étatiques
En dehors de l’Etat, la mise en œuvre de cette pratique est facilitée par des structures non étatiques notamment le UNHCR à travers un partenaire qui est l’ONG COOPI. Cette dernière a procédé à l’identification des centres de réfugiés dans lesquels la pratique est expérimentée. COOPI a également cartographié les besoins en éducation des enfants en situation difficile ainsi que les disponibilités
mobilisables en compétences d’animation.
West African Examinations Council (WAEC)
Beaucoup d’enfants pris en charge dans les centres FAD étaient de nationalité nigériane. Ils suivaient le programme de leur pays d’origine. Le WAEC accompagne alors les acteurs nigériens pour l’évaluation de ces enfants. Il assure le processus d’évaluation de ces enfants et leur orientation après les examens de fin d’année en facilitant leur réinsertion dans le système éducatif du Nigéria.

PRATIQUES EXPÉRIMENTÉES
L’essentiel des pratiques visant à assurer la continuité des cours aux apprenants dans les centres de formation à distance était basée sur des supports de cours électroniques. Il s’agit notamment de :

a) Emissions radiodiffusées.
En dehors des cours en présentiel assurés par les enseignants contractuels et volontaires majoritairement recrutés dans ces centres, les radios communautaires en assurent le relais au niveau des centres éloignés pour les rediffuser à travers les radios communautaires de la région.

b) Emissions télédiffusées.
Grâce aux installations permettant aux centres d’être servis par la télévision nationale du Niger, des cours étaient organisées à travers l’émission ‘’Le vieil insti’’ diffusés sur la télévision nationale. Ces cours, sur différentes matières, ont permis aux élèves de compléter leurs leçons contenues dans le programme national d’enseignement.

c) Utilisation d’internet.
Les centres des réfugiés ont bénéficié des installations de réseau qui permettent l’accès à internet. Ces installations favorisaient les recherches sur internet non seulement pour les enseignants mais aussi pour les élèves. Des plateformes en lignes étaient disponibles proposant des contenus de cours pouvant aider les enseignants et les élèves de suivre les programmes nationaux des cours.

FACTEURS DE SUCCÈS
Plusieurs facteurs ont favorisé la réussite de la stratégie FAD dans les camps des réfugiés à Diffa. L’inclusion de la communauté, la digitalisation, la coopération entre pays et la mutualisation des efforts ont rendu ce succès possible. L’implication des populations à travers le COGES ET COGDES a facilité l’inclusion sociale des élèves refugiés venant de part et d’autre des frontières entre le Niger et le Nigeria ;

  •  La digitalisation des cours a permis susciter l’intérêt et la curiosité des apprenants. Cela a également permis de faire face à la crise de la Covid-19 qui n’a pas empêcher la poursuite des activités dans les conditions définies par les autorités ;
  • La co-organisation des examens de fin d’année par le Niger et le Nigeria à travers le West African Examination Council (WAEC) a été un bel exemple de collaboration. Sous une double escorte sécuritaire, les élèves du Nigéria étaient convoyés du Niger au Nigéria pour passer leurs examens et reviennent au Niger. Les évaluations ont relevé un taux d’admission encourageant pour les élèves des centres ;
  • La conduite des activités d’animations ont permis de maintenir l’engouement tout en assurant un apprentissage socio-émotionnel pour les élèves traumatisés par les évènements qu’ils ont vécus ;
  • La construction des infrastructures scolaires notamment les salles multigrades a favorisé la tenue des cours à différents niveaux. Cela a eu un impact positif sur l’exécution des programmes scolaires et éviter un retard aux élèves. Par ailleurs, ces salles ont permis de réduire le coût énorme liés à la construction de plusieurs classes pour accueillir les élèves grâce au double flux des cours qu’ils permettent ;
  • L’hébergement du personnel des centres de formation à distance était assuré dans les établissement publique classique. Cette mutualisation évite également des dépenses supplémentaires pour construire des nouveaux bureaux à usage de ces centres.

LEÇONS TIRÉES
L’expérience de la FAD dans les centres de réfugiés est un modèle réussi d’insertion scolaire des jeunes en proie à des crises sécuritaires dans leurs zones d’origines.
En plus, d’assurer le droit à l’éducation des jeunes, elle présente une opportunité pour eux dans leur vie professionnelle future. Les leçons suivantes peuvent être tirées :

  • Il est possible de mettre en place des modèles de réinsertion
    scolaire des jeunes réfugiés en mobilisant les ressources humaines
    des communautés d’accueil et celles disponibles au sein des groupes
    de réfugiés. Cela permet un double bénéfice de réinsertion scolaire
    pour les jeunes et de réinsertion professionnelle pour le personnel
    enseignant mobilisable parmi les réfugiés.
  • Le modèle de la FAD peut être élargi dans d’autres régions
    qui connaissent actuellement des crises sécuritaires, notamment
    la région de Tillabéry où des écoles sont fermées pendant certains
    moments de crise. Il est possible dans ce cas de capitaliser les supports
    et plateformes de cours déjà expérimentés à Diffa pour réduire les
    coûts de fonctionnement des nouveaux centres.

Un partenariat peut être crée entre les partenaires techniques et
financiers et l’Etat du Niger en mettant à contribution les centres
numériques déjà installés pour dupliquer cette expérience dans les
centres de réfugiés de Tillabéry afin d’aider les jeunes à poursuivre
leurs études malgré la fermeture des établissements scolaires.

LIMITES DE LA STRATÉGIE
Malgré les succès enregistrés dans la mise en œuvre de la FAD à Diffa,
cette pratique a connu quelques difficultés.

a) Suite aux regroupements familiaux facilités souvent par des
moments d’accalmie dans les zones d’origine des réfugiés, nombreux
étaient les enfants récupérés par leurs parents et les administrations
des centres avaient définitivement perdu leurs traces. Cette situation
constitue un risque pour les enfants qui pourraient connaitre
des nouvelles perturbations dans leur cursus scolaire à cause du
changement brusque du milieux social et d’apprentissage ;

b) Le WAEC était opposé à l’organisation des examens de fin
d’années au Niger malgré les risques d’attaques auxquels les élèves
étaient exposés lors des escortes pour les acheminer dans les centres
d’examens au Nigeria. Une évaluation des élèves nigérians dans leurs
centres au Niger réduirait le coût de l’organisation de ces examens et
surtout le risque d’attaque encouru lors du déplacement ;

c) La différence de coût de la vie plus chère au Niger qu’au Nigéria
a entrainé une demande de rehaussement des rémunérations par
les enseignants recrutés parmi les réfugiés du Nigeria. Cela a souvent
entraîné une démotivation.

CONCLUSION
Cette stratégie de formation à distance dans les centres de de
réfugiés à Diffa a été un modèle de succès en matière de réinsertion
scolaire. En dehors de son caractère humanitaire, cette pratique a
permis d’assurer le droit à l’éducation des jeunes refugiés victimes
des attaques des groupes armés non étatiques au Nigeria et au Niger.
Elle a contribué à réduire l’analphabétisme chez les jeunes dans les
zones affectées par l’insécurité. En adoptant une approche socio-émotionnel d’apprentissage, cette stratégie participe également à la réduction de l’impact des traumatismes subis par les jeunes.

   Merci de télécharger le document ici

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous serez peut-etre interessé par les articles suivants …